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INTERVIEW

Thierry VEYSSIEREautoportrait aux patates

Né en 1962

Vit et travaille à st Cyr sur le Rhône (69)

Se consacre exclusivement à la peinture et à son enseignement depuis 1999.

 

 

- Est-ce de la nature morte ?

Désigner une peinture par un terme n’est qu’une convention, restrictive certes, mais pratique. Je ne réfute donc pas cette appellation même si je lui préfère «still-life» (vie silencieuse). Tant qu’à nommer je parle alors de : « peinture d’installation » qui a le mérite de m’ancrer plus précisément dans une mouvance contemporaine.

 

 

 

- Pourquoi des tas et autres empilements ?

Ce n’est pas systématique, ce que je n’aime d’ailleurs pas, même si c’est un aspect suffisamment récurant de mon travail pour l’avoir inclus dans le titre de l’ensemble « des tas dans des caves »et dans les titres de nombreux tableaux « tas de patates », « pile de cagettes » …Le tas est parfois un rebut, parfois un rangement, même désordonné ; graphiquement le contraire de la composition et pourtant déjà une composition en soi… Le tas suggère aussi l’idée de l’abondance dans notre société, de ses déchets que je détourne et recycle. Lorsque j’expose, j’essaie d’accrocher également un grand nombre de toiles très proches les unes des autres : des tas de tas en quelque sorte

 

- Et les caves ?

La cave est un espace clos, matrice et fosse, un lieu d’enfouissement, souterrain prometteur de trésors, lieu symbolique, quasi cultuel où s’entassent des objets et les émotions qui s’y rattachent. C’est aussi la caverne (cave en anglais) de Platon où se projettent des images qui pourraient passer pour réelles ; toutefois, nous savons qu’elles ne le sont pas, en accord avec Magritte ( et pas que pour les pipes) ! Cet espace fermé nous rappelle la surface de la toile. J’aime le dépasser par des compositions ouvertes ; laissant imaginer qu’il se passe encore des choses au-delà.

panier-renverse.jpg

 

 

- Qu’est-ce qui motive le choix des objets ?

Ce sont des objets simples, quotidiens, souvent anciens, connus de tous, qui généralement font référence à des besoins primordiaux tels que la nourriture, l’abri, le chauffage : (tas de patates, paniers, tas de bois…) qui peuplent la mémoire collective. Chacun peut y associer des impressions, des sentiments ou des souvenirs. C’est aussi la matière, la couleur et la forme qui influencent mes choix au gré de mes envies esthétiques. J’articule mon travail autour de la mémoire, je peins donc sans modèle. Les souvenirs et les impressions du spectateur coïncident alors avec les miens, j’évite également ainsi une approche trop photographique. La précision pourrait en effet, paradoxalement, mettre une distance entre le spectateur et la toile en limitant le propos, d’une part à la prouesse technique, qui ferait du savoir-faire artisanal l’aspect primordial du travail ; d’autre part à la lecture littérale : Une pomme de terre est là en tant qu’archétype (dont j’assume ce qu’il peut induire en tant que stéréotype) : il s’agit de l’Idée de la pomme de terre non d’une variété en particulier.

cagette-au-navet.jpg

 

- Il n’y a jamais de personnages !autoportraits-a-la-cuillere.jpg

L’implication du spectateur en serait amoindrie si quelqu’un (qui d’ailleurs ?) le déchargeait, occupant sa place sur la toile. Pourtant ils sont omniprésents, un tas se forme-t-il seul ? Certaines scènes évoluent, beaucoup de mes objets sont faits par et pour l’Homme.

objet-cache.jpg

 

- Pourquoi peindre et ne pas installer ?

C’est une façon de s’interroger sur l’importance de la main donc du versant artisanal du travail de créateur. En peignant je choisis mon point de vue, mes couleurs, ma lumière :  je m’identifie ainsi en tant qu’artiste, sans susciter de la part du spectateur l’attitude de rejet si souvent rencontrée dans les manifestations d’art contemporain.

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- L’avis du public est-il donc si important ?

Je ne peins pas que pour moi, sinon je n’exposerais pas. J’aime avoir un échange, parler de peinture et d’art en général, d’abord dans mes tableaux qui contiennent de nombreuses références, mais aussi dans mes cours, lors de discussions informelles dans des expositions ou en tout autre lieu. La peinture peut dire des choses informulables mais on peut aussi parler de la peinture et éclairer le spectateur, l’aider, s’il le désire à lever des voiles. Mon maître a su me transmettre des connaissances : Il ne m’a pas dit ce qu’il fallait faire mais il m’a montré et appris à voir ce que d’autres avaient fait en me donnant des clefs pour les comprendre ( symbolisme et technique). C’est pourquoi mon travail comporte de nombreuses références, des clins d’œil à divers artistes de toutes époques. Je me dois de reprendre le flambeau ; à son instar je crois à la valeur de la personne et non en celle d’improbables secrets.

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